revenir à la revue de presse

Reportage / Autisme : répit multiforme pour les aidants

Direction[s] Magazine – N°191 - 13-11-2020 - Jean-Mar Engelhard

Reportage / Autisme : répit multiforme pour les aidants

Chambéry. D’abord conçue comme un centre ressources à destination des parents de personnes atteintes d’autisme et de troubles envahissants du développement, la Plateforme Autisme Multiservices de Savoie (PAM 73) leur propose aussi des solutions pour se détendre. Des occasions de souffler particulièrement rares pour la plupart des familles. « Formez un cercle, nous allons débuter atelier par un échauffement. » Ce jeudi matin, à la résidence Coté Verger, sur les hauteurs de chambéry, des mères de famille se préparent à une séance d’improvisation théâtrale animée par Pierre Figuier comédien et membre de la compagnie PDG & Compagnie. Exercices physiques, jeux et surtout improvisation de petites scènes à deux ou à trois…. Cette heure et demie bimensuelle, la plupart d’entre elles l’attende avec impatience. Leur point commun ? Elles ont toutes un proche autiste et donc peut de temps pour elles. « Il s’agit de leur proposer une occasion de détente afin de mettre à distance leurs problèmes quotidiens. Il n’y a pas d’objectif de créer un spectacle, elles sont là pour se faire plaisir », résume Pierre Figuier.Un moment hors du temps, où l’on peut se lâcher : c’est précisément ce que vient chercher Bénédicte Zanone, mère de quatre enfants, dont deux ont été diagnostiqué autistes. « Ce qui me plait durant ces ateliers, c’est qu’il faut être là, ici et maintenant. Les soucis quotidiens restent à la porte. C’est un temps de légèreté, très ressourçant. J’apprécie aussi les discussions que nous avons entre nous en fin de séance. Bien qu’il y ait autant d’autismes que de personnes autistes, nous pouvons nous parler librement, sans craindre d’être jugées ou culpabilisées », explique-t-elle. « L’enferment est un risque qui guette les aidant dans notre situation, il est important de trouver des moments de détentes et d’échanges bien à soi », complète Marie-josé Verine, une autre mère de famille adepte de cet atelier. Mise en place il y a deux ans, cette activité est loin d’être la seule proposée par la Plateforme Autisme Multiservice de Savoie (PAM 73) crée en 2016 par l’Association des parents des personnes handicapées mentales et de leurs amis (APEI) de Chambéry

Un dispositif coconstruit avec les aidants

C’est à l’occasion d’un appel à projet qu’est née cette plateforme départementale, soutenue par un collectif d’associations regroupant l’APEI d’Aix-les-Bains, Deltha Savoie et la fédération d’aide à domicile ADMR du département. « A l’origine, il s’agissait d’abord d’accompagner les aidants familiaux dans leurs démarches administratives et de partager les informations sur les prestations auxquels ils avaient droit », retrace Maryline Gal, la directrice de la PAM73. Mais la nécessité de proposer aux parents du répit s’est rapidement imposée. « Pour leur offrir des réponses adaptées à leurs réalités, nous avions choisi de construire les solutions avec eux, comme nous l’avions déjà fait lors de l’ouverture de service d’éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad) en 2008 », explique Guillaume Pelletier, directeur général de l’APEI 73. « Il est apparu que les proches manquaient de temps pour eux : pour faire du sport, se rendre chez le médecin, voir des amis à l’extérieur, se reposer », renchérit Maryline Gal. C’est ainsi qu’a été créée une offre de répit multiple, avec des ateliers de loisir pour les enfants, ainsi que des prestations de répit à domicile , des groupes de paroles, des formations aux différents aspects de l’autisme, des séances de sophrologie, des cours de théâtre pour leurs proches ou encore des rendez-vous avec une psychologue.

Un fonctionnement ouvert et hors les murs

Afin de tenir compte de la difficulté de certains proches aidant à anticiper leur participation aux activités, la plateforme a prévue de maintenir les groupes « ouverts ». Traduction ? il n’est pas nécessaire de s’inscrire plusieurs jours à l’avance pour venir à un atelier. Un casse-tête d’organisation permanent géré par Sophie Absil, l’assistante administrative de la plateforme. « Il n ‘est pas rare d’avoir des appels pour une activité se déroulant le jour même », confirme-t-elle.

Autre particularité : une fonctionnement « hors les murs » ». « Pour être en mesure de démultiplier nos actions sur tout le département, nous avons choisi de ne pas les organiser dans un lieu unique, mais de les faire accueillir par des partenaires du territoire, au plus près des aidants, pour qui les déplacements constituent un frein. Nous souhaitons d’ailleurs continuer à les proposer sur d’autres parties de la Savoie. Pour animer les activités, nous nous sommes tournés vers des professionnels libéraux, intervenant sur chaque bassin de vie », indique Maryline Gal.

Ainsi des séances de sophrologie ont lie chaque semaine à la fois à Chambéry et à Aix-les-Bains. Il en va de même pour les groupes de parole, qui se tiennent sur trois lieux sites différents.

« Les soucis du quotidiens restent à la porte des ateliers d’activités. C’est un temps de légèreté très ressourçant. »

Pour de nombreux proches, ils représentent un lieu rare d’expression et d’échanges. « Sur le souhait de rencontrer des pairs est forte, parce qu’il y a des choses qu’on ne peut partager avec personne, sauf avec ceux vivant la même situation. Au delà des réunions encadrées par une psychologue, il y a beaucoup de partage expérience. Ce sont aussi des moments contribuant à créer de la solidarité. Les participants se téléphonent, se voient à l’extérieur et s’entraident », remarque Marielle Berthin, l’éducatrice spécialisée de la plateforme.

En contact même lors du confinement

Durant le confinement, les groupes de parole, comme l a plupart des activités, ont été mise brutalement à l’arrêt. « Mais nous avons gardé le contact par téléphone avec tous les aidants et maintenu quelques interventions à domicile, pour les situations particulièrement difficiles », précise Marielle Berthin. Dans la période qui a suivi, la demande de soutien s’est accrue. « Beaucoup de parents étaient épuisés, nous avons dons décidé de proposer des accueils de jour de répit durant l’été, ce qui n’est pas le cas habituellement. Sans pouvoir recevoir tout le monde, car la demande était deux fois supérieure aux places », regrette Mareille Berthin.

Répit pour les enfants aussi

La veille de l’atelier théâtre, c’est dans la dépendance d’une villa appartenant à l’APEI73, dans un quartier pavillonnaire de Chambéry, que deux éducateurs spécialisés attendaient un groupe

« Les activités ne sont pas organisées dans un lieu unique, mais sur tout le territoire, au plus près des aidants. »

d’enfant autistes pour trois heures d’activités. « Ces après-midi du mercredi, qui allient loisirs et apprentissage des habiletés sociales, constituent pour les parents que l’on voit parfois arriver exténués. Mais aussi pour les enfants, à qui l’on demande beaucoup lorsque qu’ils sont scolarisés. L’objectif est aussi de valoriser leurs capacités aux yeux de leurs familles », explique l’éducateur spécialisé William Gobet. au programme ce jour là, construction d’une voiture et de panneaux de signalisation en carton. « Balnéothérapie, piscine, jeux de société, luge en hiver, … Nous leur présentons des activités très variées », poursuit sa collègue Marie-Pierre Guern. A 14 heures, les enfants arrivent, déposés par leur mère. Quatre d’entre eux s’installent autour de la table garnie de cartons, de peinture, de crayons et de colle. Deux autres préfèrent vaquer à leurs occupations. « Ces demi-journées me permettent de reprendre mon souffle, mais aussi de m’occuper de mon autre petit garçon en lui faisant faire des choses difficilement envisageables avec son frères », confie Jessica Costenoble. Cette mère de famille qui participe aux groupes de parole et aux ateliers de sophrologie, est aussi membre du comité de veille de PAM73, une instance réunissant une fois par an aidants, acteurs du champ du handicap et financeurs du département. « Ces ateliers sont une vrai chance pour les aidants comme pour leurs enfants. L’inclusion est essentielle, mais elle demande beaucoup d’efforts aux jeunes autistes. C’est important qu’ils puissent ainsi se retrouver avec des enfants comme eux, qu’ils puissent se détendre », remarque de son côté Anne-Françoise Van de Velde, grand-mère d’un des petits participants. Avant de conclure : « Le répit, c’est fondamental pour tenir. »

Jean-Mar Engelhard